Et si l’on débattait sans se combattre ?
Je suis un « passionné » mais je sais aussi me « dépassionner » sans pour autant perdre mon âme ou la vendre ! Toute passion peut être l’image d’un « militantisme » exacerbé qui a souvent tendance à vous faire perdre la vue de votre entourage, de ce qui vous entoure et même quelquefois la « raison ». Rassurez-vous, je ne pense pas encore avoir perdu le sens du raisonnement.
Il y a un principe simple, pour ne pas dire simpliste, qui consiste à dire : « Si tu n’as pas mes idées, tu y es forcément opposé, donc tu es contre moi » ! Forme similaire d’un syllogisme que je réfute. Je crois que l’on peut enrichir le débat en s’opposant loyalement sans pour autant abandonner ses propres croyances, sans se renier. Pour cela, il faut être à l’écoute de l’autre et ne pas partir avec des idées bien souvent préconçues. Alors, je vais me « hasarder » sur ce dossier que constitue « l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste », non pour jouer le « contradicteur » mais pour exprimer le point de vue d’un « curieux » généraliste qui essaye de comprendre ce qui peut séparer les « uns » et les « autres » sans tomber dans le piège de la provocation totalement inutile et stérile.
Je ne suis pas un « expert », loin s’en faut, mais je me suis permis de lire bien des « revues spécialisées » qui traitent de ces « problèmes » que certains qualifient de « désastre écologique » et d’autres « d’aubaine » pour demain en matière d’indépendance énergétique.
Bien mal m’en prendrait d’écrire le « petit que sais-je » du gaz et du pétrole de schiste. Je laisse au domaine scientifique le soin de répondre aux attentes de toutes et tous.
Mais essayons de comprendre ce qui peut créer un « fossé » d’incompréhension et « tétaniser » nos peurs.
J’ai lu que l’exploration par la technique de la fracturation hydraulique avait été expérimentée, dans le Monde, au milieu du 20ème siècle, dans les années 1940. Elle était couramment utilisée pour « améliorer le taux de récupération des huiles dans les réservoirs pétroliers ». Un fort développement s’est opéré dans les années 1980. Elle est également utilisée pour la « géothermie » et la production d’eau potable. En aviez-vous entendu parler ? NON ! Il est acquis que « l’environnement » n’était pas une priorité à ces périodes de l’histoire.
Le terme « fracturation hydraulique » apparaît aujourd’hui comme le monstre dévastateur de notre environnement, que l’Écologie a pris (et parfois à juste titre) en considération. Il est certain que le film « GASLAND » a provoqué un vif rejet dans la population. C’est la série « catastrophe américaine » nous décrivant les nuisances et les inconvénients de cette technique d’exploration et d’exploitation des schistes. Ce film n’est pas un brûlot si on sait se dépassionner et écouter attentivement les messages. Il n’appelle pas à renoncer à ce type d’exploration ou d’exploitation MAIS plaide (à juste titre) pour une INFORMATION objective et un contrôle sévère des NORMES mises en pratique avant, pendant et après par les pouvoirs publics. Il n’est donc pas question de donner un blanc-seing aux exploitants éventuels sans CONTRÔLE (à tous les échelons du process) comme ce fut le cas aux États-Unis pendant des années.
En quoi consiste la « fracturation hydraulique » ?
Cela consiste à injecter sous de très fortes pressions (plusieurs centaines de bars pour des objectifs situés entre 2.000 et 3.000 m de profondeur) un « mélange » composé d’eau et d’agents de soutènement (sable en particulier) pour éviter que les fractures ne se referment. Cependant, à ce « mélange », on y ajoute des additifs chimiques ! Mais lesquels ? Aux États-Unis, la réglementation n’impose pas de rendre publique la liste des produits chimiques utilisés. Quels sont ou seraient les « risques » ou facteurs de risque par l’usage de cette fracturation hydraulique ?
C’est, il me semble, cette absence totale de transparence qui est à l’origine de cette grande contestation et de cette grande incompréhension aujourd’hui.
Se posent ensuite, l’utilisation de l’eau en grande quantité (on parle de 10.000 m3 par puits) et son retraitement car, lors de son retour en surface, elle contient des agents chimiques en quantité non négligeable ! D’où les questions :
- Où s’approvisionner en « eau » (nappe phréatique, voies d’eau, canaux...) ? Est-elle prélevée sur place ? Est-elle acheminée par camion-citerne ? L’impact écologique est suffisamment fort pour que l’on s’y intéresse de près.
- Où retraiter l’eau ? Sur place ? (impensable...) L’acheminer vers des centres de traitement spécifiques ? Comment la retraiter ? Encore un impact écologique suffisamment fort pour que l’on s’y intéresse de près.
Le point le plus crucial de ce dossier est l’utilisation obligée de substances chimiques (de l’ordre de 0,5 %) pour permettre de mieux transporter le sable en suspension, pour faciliter le passage de l’eau et du sable, pour réduire la tension superficielle de l’eau... Mais que sont ces produits ? Si ‘on se réfère aux États-Unis, encore la « référence » aujourd’hui, on estime à quelque 750 références fournies par 2.500 sociétés de service. Certains produits sont bénins, d’autres sont toxiques. On peut noter la présence de naphtalène, benzène, acrylamide et même de produit connu comme cancérigène.
C’est cette brusque « prise de conscience », véhiculée par les nombreuses associations de défense de l’environnement qui a fait réagir le gouvernement en juin 2011. Le parlement a adopté une loi qui interdit l’exploration et l’exploitation des gaz et huile de schiste par la technique de la fracturation hydraulique. Ce texte publié au J.O le 13 juillet, ANNULE également les permis EXCLUSIFS de recherches attribués précédemment et comportant des projets ayant recours à la fracturation hydraulique. Enfin, il crée (décret n° 2012 - 385 du 21 mars 2012) une « Commission Nationale d’Orientation de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures »...
Aujourd’hui, deux aspects de ce dossier sont à prendre en compte :
- l’aspect environnemental et écologique
- l’aspect économique et l’impact sur l’indépendance énergétique de la France
L’aspect environnemental et écologique ne pourra pas toujours consister à dire « Pas chez moi... Mais chez les autres ». Je pense qu’il faudrait davantage associer et écouter les « scientifiques » trop souvent absents de ce débat polémique médiatique ! Ce sera un premier pas vers la levée de boucliers de l’incompréhension, car vous, comme moi, ne sommes pas toujours au fait de la question. Alors, à quand cette grande réunion qui ne soit pas une « réunionite » ! Vous remarquerez que nos « scientifiques » sont exclus de cette commission !
L’aspect économique et l’impact sur notre indépendance énergétique ne pourront plus être ignorés. Cependant, doit-on exploiter ces « ressources NON conventionnelles » immédiatement ou doit-on les « mettre en réserve » pour l’après demain ? Je n’ai pas de chiffres à donner car je ne les ai pas trouvés mais de l’avis des « géologues » il y aurait matière à rechercher avant d’exploiter dans notre pays. La France ne sera pas DALLAS, c’est évident ! L’institut National de la Géologie estime nos réserves à 5.100 (milliards de m3 !
Où en est-on aujourd’hui ?
Sans polémiquer et revenir sur la « mutation » de Madame BRICQ, il est à constater que le permis GUYANAIS suspendu le 14 juin dans l’attente de la réforme du « Code Minier » a été redonné le 25 juin avant même la refonte du Code Minier qui ne donne pas à l’État et aux Collectivités locales un meilleur partage des profits de ces ressources nouvelles. Un rappel : Le propriétaire du sol n’a de droit que sur des substances de peu de valeur. Les autres ne sont pas propriété de l’État, mais celui-ci a le droit « régalien » d’en décider l’utilisation. L’acte règlementaire qui est pris en application de ce droit peut être un « permis exclusif de recherches » qui donne le droit exclusif de rechercher un gisement dans une zone déterminée ou un « permis d’exploitation » qui donne le droit d’exploiter un gisement pendant une période limitée. L’état peut percevoir une redevance.
L’enjeu économique local semble avoir pris le dessus. Va-t-on laisser les grands groupes pétroliers FAIRE en se contentant de fermer les yeux ? Il paraitrait que le Code Minier ferait l’objet d’un projet de loi de réforme d’ici la fin de l’année... (Madame D. BATHO) ! Un projet fin 2012, une loi fin 2013 ? Et pendant ce temps là... Le Code Minier, dans sa version actuelle, continuera à être une référence... dépassée !
Alors si on essayait de discuter objectivement sur le sujet d’hier qui deviendra certainement l’objet de demain ?
Les « scientifiques » - absents de toute discussion dans cette « guerre médiatique » - apportent certains éléments de réponse sur les techniques de fracturation hydraulique. La compréhension et la modélisation des mécanismes, l’optimisation des agents de fracturation, la simplification du process hautement technologique (têtes robotisées, utilisation satellitaire...), l’emploi de matériaux innovants, offrent des possibilités certaines d’améliorations compatibles avec l’environnement et l’écologie. D’autres techniques SANS fracturation sont à l’étude. Elles s’appuient sur la production spontanée d’eau dans la roche-mère par déshydratation des argiles augmentant la fracturation naturelle, sur l’évolution structurale des kérogènes par l’utilisation de procédés de chauffage en milieu souterrain... Ouvrons donc le débat et voyons !
Ma conclusion ne sera que « partielle » sans être partiale ou partisane :
L’acceptation sociétale passera nécessairement par des efforts technologiques pour réduire les impacts lors de l’exploration (phase 1), de l’exploitation (phase 2) et de la fin de cycle (phase 3).
Il me semble essentiel de prôner avant tout la transparence, la mesure et le contrôle régulier des impacts environnementaux ainsi que la concertation entre les autorités locales (associations comprises) et les pouvoirs publics. Un réel suivi doit être opéré lors de chaque étape du process : Choix des sites à explorer, contrôle des moyens à mettre en œuvre, mis en œuvre, contrôle systématique du cycle de l’eau, en somme, un véritable cahier des charges et des devoirs respectueux de l’environnement.
La controverse est passionnée. C’est un mélange - quelquefois explosif - d’idéologie, d’enjeux entre « experts plus ou moins indépendants » et « experts assimilés, à tort ou à raison, de conflits d’intérêts ». Mais qui a raison ?
Le grand public, comme moi, a bien du mal à s’y retrouver sur ce dossier complexe.
Oui, je plaide pour un réel débat « dépassionné », pour une plus grande fermeté des pouvoirs publics, pour une réglementation claire et adaptée avec des organismes de contrôle et de surveillance totalement indépendants d’une tutelle cachée quelconque.
Il n’est pas question de céder à une sirène (qui peut être d’alarme) mais il est temps, certainement, d’enrichir le débat en oubliant - si cela se peut - un instant, un instant seulement que l’on est un « écologiste obtus » ou un « économiste picsou avant tout ».
Je ne suis jamais pessimiste et je crois qu’il est encore possible de discuter sans s’engueuler entre hommes de bonne volonté !
« La question de l’exploitation des gaz de schiste doit être posée... » (A. MONTEBOURG - Le Monde - 12 juillet 2012)
« Rien dans l’agenda du gouvernement aujourd’hui n’envisage de revenir sur l’interdiction de la fracture hydraulique » (D. BATHO - BFMTV - 20 juillet 2012)
Il est vrai que le gaz empoisonne aussi la Majorité...
Mais où se situe la vérité ?