Que les moins de 12 ans ne peuvent pas connaître…
C’était le temps où l’élève marquait son grand respect à celle ou celui qui était censé lui transmettre le « savoir » primordial pour affronter sa VIE future au quotidien. Oui, le B.A.-BA, la trousse de première urgence, dans des matières qui permettront à ce futur citoyen de vivre et de comprendre le monde dans lequel il s’épanouira. Sans ce fondement essentiel, point de salut ! On y complétera le bon usage de la langue française acquis à « l’école pour tous » (le primaire !), sa grammaire (l’art de conjuguer en particulier), son orthographe (que l’usage intempestif du SMS et autres « langages » ont détruit pleinement !), son expression orale (l’art de pouvoir s’exprimer, dialoguer, avec un vis-à-vis, sa famille, les siens, sans ânonner, sans le recours accru aux onomatopées – tiens du GREC ! « Onomatopoiia » -, au style charabia télégraphique ou phonétique. Concomitamment, après les tables de multiplication apprises par cœur… Des perroquets matheux ! On enrichira sa manière de savoir compter mentalement sans avoir recours à la calculette. Le collège n’était pas l’affreux bahut où le cancre s’épanouissait au fond de la classe ! Celles et ceux qui le voulait ne pouvaient que s’épanouir ! C’était l’école de la méritocratie – les compositions, l’attente du « livret scolaire » annoté que le dirlo distribuait à chaque trimestre avec ses commentaires quelquefois acerbes à faire signer par les parents… Oh là, là - ! C’était l’école de la discipline où l’on ne tolérait pas les écarts de tenue vestimentaire ! L’habit n’a jamais fait le moine mais marque le respect. Puis venaient les matières complémentaires comme l’histoire, la géographie, les sciences naturelles, la physique, la chimie… Un prof passionné vous donnait cette envie de découverte, de partage d’un savoir !
Oui, c’était dans la fin des années 50 ! Je n’étais pas un « privilégié », un « super élève », mais j’avais l’envie d’apprendre, de comprendre, de me maintenir en « pole position » pour affronter le futur. Et ceci m’a réussi !
Pendant quelques années – avant de virer dans le secteur privé – j’ai eu cette chance de pouvoir enseigner à des classes de CAP, BEP, BP la « technique comptable ». Quelle heureuse expérience ! C’était de 1966 à 1971 ! Je me souviens encore de ma première inspection ! Une Dame d’un certain âge, ou d’un âge certain, entre dans ma classe accompagnée du Proviseur. Ils s’installent au fond de la classe… - Ils n’étaient pas cancres, eux ! – écoutent, prennent des notes… Extraverti de nature, je ne tiens pas compte de cette présence forcée et continue mon cours tant pratique que magistral. La cloche sonne l’heure de la fin du cours… Peut-être ai-je mal interprété sa tonalité ! N’était-ce point le tocsin qui sonnait ? Mes « invités » d’une heure m’appellent à leur table… « Bonjour monsieur, pourriez-vous me communiquer votre cahier de progression pédagogique ? » Et du tac au tac de lui répondre : « Madame l’Inspectrice, avec tout le respect que je vous dois, je n’en ai pas » ! « Comment est-ce possible ? Comment suivez-vous la progression de vos élèves ? » Mais, Madame l’Inspectrice, je sais reconnaître parmi mes élèves, celles et ceux qui décrochent ! Alors, sous une autre forme, je reprends la leçon même pour celles et ceux qui ont l’acquise ! « Alors, vous ne suivez pas le programme » me dit-elle ! Je ne suis nullement en retard, madame, le programme sera intégralement couvert ! Fin de l’entretien ! Ouf ! Résultat ? Une « bonne note » et surtout de bonnes observations ! Je retrouve, encore aujourd’hui, certains élèves qui n’ont pas oublié cette période et qui, devant leurs enfants, n’hésitent pas à me féliciter pour le savoir transmis en leur disant « Pourvu que vous ayez un prof comme lui » !
Enseigner lors de ces années, c’était la mise à l’épreuve d’une forme de pédagogie personnelle pour intéresser son auditoire ! Il n’y avait pas de formation pour cet art de l’éducation. Etait-ce inné ? Peut-être ! Mais les résultats furent probants car l’esprit d’observation me permettait de déceler l’ennui sur le visage de celles et ceux qui décrochaient. La réactivité, dans cette circonstance, est fondamentale. Il faut savoir se remettre en cause et ne pas avoir peur d’entamer une digression pour recapter l’attention des fuyards ! Oui, ce fut une expérience extraordinaire !
Lors de mon service national, je fus affecté au bureau des Examens de l’Armée. De la sélection des sujets, de l’organisation des épreuves, de la publication au J.O des résultats, telles étaient mon quotidien ! Eh bien, pour compléter l’effectif de ces écoles, il fallait descendre bien en-dessous de la moyenne ! Déjà, en 1972, le niveau baissait !
J’ai suffisamment parlé des plus de 60 ans qui ont vécu ces périodes de la grande école.
Aujourd’hui, un grand débat sur la réforme des « collèges pour tous » (encore du pour tous !) anime et embrase le paysage politique. Chacun y court de sa petite phrase assassine ! Dès que l’on touche au sujet de l’école de la République, c’est la « contestation garantie » ! Vouloir mettre tout le monde au même rang d’égalité intellectuelle est une erreur profonde ! Le collège devrait rester l’école de la méritocratie, de l’effort permanent pour demeurer en pole position à moins d’accepter pôle emploi pour la suite ! Que l’on aménage les programmes me semble être une nécessité. On ne peut plus rabâcher « nos ancêtres les gaulois » ! Que l’on cherche à développer – après un français maîtrisé – l’usage d’une langue étrangère est une nécessité car nous souffrons de ne pouvoir communiquer tant dans le travail que dans la vie quotidienne avec celles et ceux qui ont une maîtrise de la langue « universelle » acquise bien avant nous dans leurs écoles. Que l’on instaure des « E.P.I » (dans le BTP, E.P.I signifiant équipement de protection individuelle !) n’est pas, en soi, une intention à condamner mais encore faudrait-il en définir les bases, les contours et les rôles de chacun. Mais chercher à diminuer des matières fondamentales en les rendant facultatives ou en les intégrant à d’autres supports me semble être un pas – ou plusieurs – en arrière. Le niveau baisse inexorablement ! C’est bientôt l’étiage !
La plupart de nos Ministres de l’éducation nationale se sont faits « retoquer » pour insuffisance notoire par manque de pragmatisme, de concertation, ou de vision à corriger au plus vite chez son ophtalmo ! Démonter tout ou partie de ce qui a été fait par son prédécesseur, c’est un jeu de Cour pour demeurer poli ! La réforme HABY datait de 1975 en matière de collège unique ! 40 ans ! Les temps changent sauf en conjugaison !
Surtout ne jamais confondre vitesse et précipitation ! Le feu couvait depuis des lustres. Il fallait décréter dans l’urgence ! C’est chose faite ! Le texte est paru mais pas vendu ! Un grand débat national, sans arrière-goût politicien devrait se tenir ! Manifester, gueuler pour son « abrogation »… Est-ce la solution ?
Alea jacta est ! Τίποτα δεν είναι μη αναστρέψιμη ! Just want what we want ! (Formulation issue d’une classe trilangue !)
Le sort en est jeté ! Rien n’est irrémédiable ! Il suffit de vouloir ce que l’on voudrait !
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