Je l’ai été avant que je m’intéresse de plus près au sujet qui laisse bien des esprits indifférents et surtout à celui qui touche notre Pays de l’Ourcq qui a mis en service, sur son territoire, deux unités de production de biométhane à MAY en MULTIEN et à COULOMBS en VALOIS.
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Reprenons la citation célèbre de LAVOISIER :
« Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme »…
Oui, tout se transforme (même la vérité…) mais peut-être pas n’importe comment !
L’ambiguïté de la méthanisation
En pourrissant, les déchets organiques dégagent du méthane.
L’idée de développer ce processus pour obtenir une énergie de substitution est séduisante car, pour les « agri-gaziers » (méthanisation agricole) c’est synonyme d’un complément de revenus ! Mais comme pour presque tous les dadas écolos, il y a des effets pervers à y regarder de plus près !
C’est QUOI la méthanisation ?
Lorsqu’on voit une installation en milieu agricole, on pense à une rotonde qui pourrait accueillir dans ses flancs une station météo, un futur observatoire et ceci peut paraitre bucolique. Mais en fait, c’est un procédé complexe qui consiste à transformer des matières organiques sous l’action de bactéries et en absence d’oxygène.
La méthanisation produit du biogaz, c’est-à-dire un mélange de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2).
Le biogaz est prioritairement valorisé sous forme de biométhane (séparation et rejet du CO2 dans l’atmosphère) et injecté dans les réseaux de gaz. Le biométhane est parfaitement équivalent au gaz naturel d’origine fossile que la France importe en totalité. Le réseau de gaz naturel permet la distribution à large échelle du biométhane ainsi que le stockage d’une partie de l’énergie.
La valorisation du biogaz en biométhane dans les réseaux de gaz est privilégiée à la fois pour des raisons de rendement (95 % à l’injection) et de capacité de stockage du gaz.
Pour fonctionner, il faut chauffer la cuve aux environs d’une quarantaine de degrés pour obtenir du gaz méthane (plus ou moins pur) et un liquide appelé digestat, riche en azote qui pourrait remplacer les engrais chimiques.
Cependant, l’utilisation du digestat n’est pas aussi simple qu’on le pense ! Il y a des contraintes strictes (et nécessaire) pour épandre ce digestat.
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C’est donc une installation complexe car il faut des pompes, des cuves, du chauffage, des capteurs, de l’informatique… et surtout un accès au gazoduc de proximité pour injecter sa production dans le réseau sans oublier le stockage de la « matière première » avant sa digestion dans le « digesteur » ! Pour faire simple, chez l’humain, le digesteur est l’estomac et l’intestin… Le gaz ? Des « pets » contrôlés ou non…
C’est donc une véritable « usine de biochimie » de proximité avec des risques éventuels car le risque « zéro » n’existe pas !
Deux sites de production sont installés sur le territoire du Pays de l’Ourcq :
- « Bio énergies de l’Ourcq » créée en novembre 2018 à COULOMBS en VALOIS. Monsieur Jean - Marc DUWER est le Président et Laurent COSSU, le directeur général.
- « BIOGAZ du MULTIEN » créée en décembre 2018 à MAY en MULTIEN. Monsieur Jérôme GARNIER est Président. Charles Auguste BENOIST et Jean Baptiste BENOIST sont Directeurs Généraux. Pascal MEHEUT et Arnaud ROUSSEAU sont membres du comité de direction.
La plupart des « clients – fournisseurs » sont des agriculteurs céréaliers et betteraviers du secteur. Les « intrants » sont pratiquement issus de la place.
Autant je peux comprendre et admettre que la méthanisation soit un moyen de traiter les déchets issus des effluents, des déjections animales dans les élevages intensifs (que je condamne pour leur exploitation), des déchets alimentaires des grandes surfaces, des restos et cantines, des boues de stations d’épuration…
Autant je désapprouve l’usage INTENSIF des C.I.V.E (culture intermédiaire à valeur énergétique) que je qualifie de Culture Intensive à Valeur Énergivore…
La technique des jachères n’a plus court ! Elle ne payait pas… La culture des CIVE (orge, variétés de maïs et tournesol, pailles, autres herbacés) est de plus en plus présente dans notre paysage.
Il n’était pas rare de voir les canons à eau en pleine action pendant la période de sécheresse pour arroser ces futurs intrants…
Quand donc la terre va-t-elle « se reposer » puisqu’entre deux cultures l’usage des CIVE est autorisé ?
Ainsi, sur la question spécifique des cultures énergétiques dédiées, qui remplaceraient une culture alimentaire, deux garde-fous existent en France :
- au niveau règlementaire : il est interdit d’introduire plus de 15 % de cultures principales (cultures énergétiques remplaçant une culture alimentaire), en moyenne annuelle, dans un méthaniseur ;
- au niveau économique pour les unités qui valorisent l’énergie par injection dans les réseaux de gaz : le tarif d’achat de l’énergie baisse de plus de 20 % si les résidus végétaux ne sont pas des inter-cultures de couverts mais des cultures énergétiques dédiées.
Nous sommes dans une contrée où les céréales (blé, orge, maïs, sorgho…) sont les cultures dominantes sans oublier la betterave à sucre. Je sais que certains se sont lancés dans la culture et la récolte de graine de moutarde, celle qui nous fait défaut et que nous importons du Canada quand les récoltes le permettent ! Ce qui n’est pas le cas cette année.
La méthanisation agricole est un élément central des scénarii énergétiques soutenus par l’Agence de Transition Écologique (ex ADEME).
Mais il peut y avoir quelques retours de manivelle.
- Les nuisances olfactives ne sont pas à exclure. Le parfum des campagnes d'antan !
- Les digestats, présentés comme des fertilisants remplaçant des produits minéraux apportant de l’azote en quantité avec un risque de pollution des nappes phréatiques si l’épandage ne respecte pas les normes. Ainsi le digestat (notamment sa phase liquide, ce qui semblerait être le cas avec l’usine de May en Multien) peut être un fertilisant intéressant à condition d’être épandu dans des conditions météorologiques adéquates et avec du matériel adapté comme des pendillards et enfouisseurs.
Pour cela, un accompagnement au changement des pratiques est nécessaire.
- Certains agriculteurs controversent ce phénomène de fertilisation car les digestats n’apportent pas de carbone (évidemment, puisque celui-ci est dans le méthane CH4) contrairement aux amendements organiques traditionnels et sont susceptibles de contenir des « substances indésirables ».
- La rentabilité, même après subvention (en moyenne 10 % d’un investissement lourd) n’est assurée que pour un rendement correct et une taille suffisante. Les coûts d’entretien sont élevés mais, pour certains, ce « complément de revenus » n’est peut être pas négligeable. N’oublions pas que ces agriculteurs gaziers sont les clients et fournisseurs de l’unité de production qui fixent les prix des intrants. Ils sont aussi, en général, « actionnaires » de l’unité…
Ainsi, pour fabriquer du biogaz,
on laisse pourrir de la nourriture.
Et l’on ose nous parler de gaspillage alimentaire !
Le vert n’est peut-être pas là où on le croit !
Une note bucolique : Bien des champs cultivés en CIVE nous montrent des tournesols encore en floraison… C’est joli mais les abeilles délaissent ce pollen tardif… Les maïs sont rachos et ils n’iront pas à maturité… Tous ces tapis seront ensilés : Il faut stocker des intrants !
Quelques chiffres pour ces deux unités (non actualisés) :
- MAY en MULTIEN : (date de démarrage d’activité : novembre 2020)
- Coût : 5.629.000 €
- Subventions obtenues : 757.600 € (13 % dont Région IdF)
- Intrants : 10.919 Tonnes (constitués par 57 % de CIVE et 43 % de pulpes, issues de silos…)
- Digestat produit : 9.675 m3 (deux lagunes de digestat liquide en sus – mai 2022)
- Surface épandable territoire : 1.387 HA des exploitations clientes.
- COULOMBS en VALOIS :
- Coût : 5.720.000 €
- Subventions obtenues : 757.600 € (13 % dont Région IDF)
- Intrants : 10.942 Tonnes (constitués par 65 % de CIVE et 35 % de pulpes, issues de silos…)
- Digestat produit : 9.850 m3
- Surface épandable territoire : 621 HA des exploitations clientes.
Pour conclure : Je ne suis pas un « anti-tout » mais je constate, encore une fois, que la communication n’est pas un acte essentiel dans les rapports humains chez ces gens là !
Je le déplore plus que tout.
Le monde agricole est un monde fermé où seul « l’entre soi » est la règle de bonne conduite ! Les temps ont profondément changé. A l’école primaire, on ne faisait pas de distinguo de classe sociale… Tout le monde se côtoyait, sans distinction de classe ! Aujourd’hui, une partie de la « caste agricole » se réfugie derrière une image vieillie des « seigneurs de la terre » où l’on ne fréquente que les membres de sa caste…
Et pourtant, des paysans, des culs-terreux, des agriculteurs, j’en ai connus mais leurs nouvelles conditions sociales font qu’une partie d’eux se détourne des autres gens ! Heureusement, quelques-uns sont encore des amis ! Ils ne sont qu'agriculteurs...
Les 17 et 18 septembre, se tiennent les « journées nationales du biogaz »… Seules, pour l’Ile de France, deux unités ouvrent leurs portes :
- AGRIBIOGAZ de la BRIE à 77550 -LIMOGES – FOURCHES
- LETANG BIOGAZ – 77171 – SOURDUN
Pourquoi donc le Nord du département est-il absent de cette manifestation ?
Pourquoi cette volonté de rester « entre soi » ? Qui a-t-il à cacher ?
OUVREZ donc le dialogue !
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