Samedi dernier, sous un soleil radieux, et devant un parterre qui n’était pas à convaincre, Jean François COPE est parti en croisade pour les futures primaires. Costume sombre impeccable, chemise blanche, immaculée, cravate au nœud bien ajusté, du haut du podium – pas le final… - il a donné le coup d’envoi de son « sursaut français ».
J’ai lu, à travers la presse, son discours. Je vous en donne quelques extraits :
« Le temps est venu pour moi de porter haut et fort la ligne d'une droite décomplexée, une droite ni extrémiste, ni excessive, mais une droite assumée, fière de ses valeurs et dont la main ne tremble pas lorsqu'il s'agit de prendre les décisions nécessaires pour la France ». « Devant vous je m'engage, avec moi, la France sera dirigée. »
« La France n'est plus dirigée » - « Campagne après campagne, président de la République après président de la République, obsédés par le fait d'être élus à n'importe quel prix, les politiques font soit des promesses qu'ils savent très bien qu'ils ne tiendront pas, soit au contraire des propositions tellement vagues et démago que chacun peut y trouver ce qu'il veut » - « Si la France a cédé c'est parce que ses gouvernements n'ont cessé de reculer » - « Belle hypocrisie que celle qui consiste à feindre l'indignation concernant des mesures que l'on a soi-même décidé, cautionné, puis appliqué »… «la fin des fameux quotas laitiers», actée sous le quinquennat précédent, «que tout le monde a laissé faire».
Le constat est sévère mais réaliste. Que les gouvernements fussent-ils de droite comme de gauche, ils n’ont JAMAIS mis en musique la partition jouée pendant quand ils étaient au pupitre. La PEUR de la rue, des sondages, d’eux-mêmes ! Et puis, notre système électoral fait que dès son arrivée au pouvoir, on prépare sa prochaine réélection ! « On refilera la patate chaude au suivant au cas où… »
Tous ont la parole facile. Tous promettent monts et merveilles mais les réveils sont souvent brutaux et déconcertants ! Il ne suffit pas de dire mais d’agir, quitte à se prendre une volée de bois vert ! Qui a osé ? Personne !
Dans n’importe quelle démocratie d’opinion, on met au pilori celle ou celui qui pense différemment de vous. Et quand il veut mettre en application une mesure de bon sens pour l’intérêt général, il trouve, en face de lui, une bande de récalcitrants qui, soit au nom d’un courant « alternatif », soit d’un dogme, se font douce violence en l’envoyant paître ! Ce mode de gouvernance n’est plus supportable !
Le chevalier de la confrérie de Meaux voudrait, s’il était élu Président, prendre des « Ordonnances immédiates » - le malade est bien atteint, c’est un fait inéluctable – pour traiter des maux dont souffre le pays. Serait-il « médecin malgré lui ? » Le fera-t-il ?
Par pure pédagogie, je me permettrais de rappeler quelques points :
Le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. Elles ne sont pas inconnues de l’histoire constitutionnelle, car elles existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom de décrets lois.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République. Une controverse a existé pour savoir si le chef de l’État était obligé de les signer. Le président Mitterrand a, quant à lui, refusé d’en signer plusieurs pendant la première cohabitation (1986-1988).
NDR : Une cohabitation en 2017 relève de la fiction !
Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. Mais un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. Si ce projet n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances deviennent caduques. Une fois ce projet déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et acquiert la valeur de loi, soit elle n’est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi), constituant alors un acte administratif unilatéral.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit une nouveauté. Auparavant, la jurisprudence du Conseil d’État admettait la ratification implicite d’une ordonnance, résultant de sa modification par une loi. Désormais, l’article 38 de la Constitution exige que la ratification soit explicite.
Depuis le début de la Ve République, les gouvernements ont souvent recouru à la procédure des ordonnances pour des sujets très techniques ou des réformes très délicates. On peut ainsi donner l’exemple des « ordonnances Juppé » de 1996 ayant conduit à une importante modification du système de Sécurité sociale français. Le nombre d’ordonnances adoptées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution est toutefois en forte augmentation depuis le début des années 2000. Cette augmentation est en partie liée à la nécessité de mieux assurer la transposition en droit français des directives prises par l’Union européenne.
Avec une Assemblée certainement acquise, les « Ordonnances » prises pourraient s’appliquer. Mais la main ne devra pas trembler en cas d’hostilité de la rue et des syndicats ! Saura-t-il passer outre et s’imposer ? Il n’est pas un amateur, il est pro de la politique mais la charge suprême n’a rien d’un bouillon de culture aussi bouillant soit-il !
L’impatience est quelquefois un défaut majeur. Pourquoi venir s’exposer maintenant alors que le temps est loin d’être au beau fixe dans son propre camp, dans le pays ? Par ambition personnelle ? Par vengeance interposée ? Le destin se prend au bon moment !
Qu’il ait les conditions requises pour participer à cette primaire, je n’en doute pas. Il sera le nième à concourir. Mais sa représentativité est-elle telle sur le plan national ? Je n’en suis pas convaincu ! Les querelles intestines de l’UMP ont laissé des stigmates…
Le « sursaut français » ne sera-t-il qu’un épisode de « Héroïques » le nouveau spectacle de la ville de Meaux ?
Suite au prochain numéro !