C’est avec un certain retard que je publie ce billet mais je voulais aller plus loin qu’une simple visite de courtoisie auprès de Philipe DAVIS, directeur de cet établissement et Président de la CFE - CGC depuis quelques jours, en posant la problématique des « travailleurs détachés » que le Ministère du Travail « estime » - face visible de l’iceberg ! – à environ 210.000 ! Ils ne sont pas tous dans le secteur du bâtiment – heureusement ! - mais ils y représentent un poids de plus de 30 % ! Tout secteur confondu, ils étaient moins de 8.000 en l’an 2000 !
Le Bâtiment ne délocalise pas… Mais il relocalise avec de la main d’œuvre tant des pays européens que d’autres états. Cet état de fait, je le constate, tous les jours, de chantier en chantier et si, plus jeune j’étais, il m’aurait été agréable – et surtout utile – d’être polyglotte ! Des maçons portugais – ils sont de retour… -, des plombiers polonais et espagnols maintenant, des carreleurs turcs, des peintres égyptiens, des plaquistes roumains et tchèques, des menuisiers des pays de l’est et russes, des électriciens africains et indiens ! Voici la réalité du quotidien que je rencontre sur des chantiers d’importance ! Et pour se faire comprendre… Il faut parler la langue !
Les travaux à exécuter sont entièrement dissociés. C’est la spécificité et non la spécialité ! Un menuisier pour la plinthe, un autre pour la pose des portes, et encore un autre pour la pose des serrures et de la quincaillerie…. Le menuisier qui est l’artiste artisan d’un corps de métier généraliste ne pourra trouver son salut qu’auprès d’une clientèle spécifique et non plus dans l’entreprise générale de gros œuvre ! Les appels d’offre se font de plus en plus au « moins disant » ! Le recours à une main d’œuvre à moindre coût est devenu une « nécessité » pour espérer « survivre » sans pour autant assurer la pérennité de l’entreprise ! C’est un bien triste constat, n’est-ce pas ! Cette main d’œuvre est loin d’être une main d’œuvre « au rabais » en termes de spécialité. Mais son encadrement laisse trop à désirer. Oui, elle a une certaine technicité mais elle agit comme le robot… Elle est souvent incapable d’anticiper les problèmes que les autres corps de métier rencontreront après leurs prestations. Les « contrats » sont de courte à moyenne durée… En cas d’erreurs ou de malfaçons, il sera très difficile de la faire revenir pour corriger les défauts constatés ! Ce qui explique les recadrages de planning, les décalages d’intervention, les pénalités pour les autres !
Ce billet ne se veut pas être profondément anxiogène. Oui, il y a encore de la place à prendre pour celles et ceux qui acquerront un grand savoir faire, une profonde technicité, et surtout l’envie d’exercer un métier noble dans une petite structure tournée plus vers la spécificité que vers la grosse entreprise de gros œuvre.
Traiter « du mouton à cinq pattes » permet de montrer sa compétence ! Ne vaut-il pas mieux se tourner sur ce que les autres ne font pas, vers des travaux à grande valeur ajoutée plutôt que de vouloir poser des kilomètres de plinthes, des quantités de bloc-portes, à des prix défiants toute concurrence pour s’aligner sur le moins disant ? La loi du marché est dure, implacable ! Faire du chiffre d’affaires sans marge… Ce sera la catastrophe assurée !
Autre point – non négligeable – à signaler : L’encadrement dans l’entreprise de gros œuvre est d’un niveau particulièrement élevé. Toutes les recrues sont issues d’écoles d’ingénieurs. La théorie sublime la pratique ! Rois du portable, rois des chiffres et des lettres mais aveugles… Fini le conducteur de chantier qui connaissait l’ensemble des D.T.U et qui avait l’œil pour vous signaler l’erreur avant qu’elle ne devienne fatale ! Ce qui m’amène à dire que les formations dispensées sont bien loin des réalités du terrain ! Les grands diplômes- sans phases pratiques exercées en entreprise sous l’œil attentif du sous-traitant retenu - ne sont pas la panacée !
Nos systèmes de formation et universitaire sont à revoir pleinement.
Je voudrais, avant de refermer cette page, féliciter Philippe DAVIS pour l’ensemble de ses qualités humaines et son dévouement. Félicitations sincères, Monsieur le Président, et bonnes vacances !
Si, d’espèce, vous souhaitez vous « informer » sur ce qu’est le « travail détaché », je vous invite à cliquer sur ce lien. (Extrait du journal « Le Monde »)
Bon courage.